Contexte et réflexions

Contexte et réflexions

Dans cet onglet, vous trouverez des renseignements sur la diversité et l’inclusion, des statistiques, une série de questions, des ressources pour découvrir les préjugés, et des conseils pour devenir une personne alliée. L’ensemble des réflexions vous permettra de vous engager sur la voie d’une pratique d’enseignement plus inclusive.

Afin de piquer votre curiosité à propos du contenu de cet onglet, nous souhaitons vous poser deux questions :

  • La première, globale : comment notre éducation, nos expériences et notre vision du monde en général, et de l’enseignement en particulier, influencent-elles notre façon d’enseigner? 
  • La seconde, plus spécifique : comment ces éléments influencent-ils, par exemple, notre façon de concevoir nos cours, de diffuser les contenus, d’animer les activités d’apprentissage, de répondre aux questions, de corriger les travaux, d’interagir par courriel ou de façon synchrone avec l’ensemble des personnes inscrites à nos cours? 

Selon plusieurs sources, le fait de répondre à ces questions constitue un premier pas vers l’enseignement inclusif.

Nous verrons à l’onglet 3 – Cadres conceptuels, que nos méthodes d’enseignement classiques ne fonctionnent pas avec tout le monde, et qu’elles créent des iniquités généralement involontaires, ce qui affecte le succès de notre clientèle étudiante.

  • Comment pouvons-nous donc adapter nos façons d’enseigner et de soutenir l’apprentissage pour accompagner efficacement et équitablement le plus grand nombre d’étudiantes et d’étudiants?

Nous répondrons à cette question à l’onglet 4 – Stratégies et outils.

Le saviez-vous?

Le corps professoral des institutions d’enseignement supérieur n’est, en grande partie, pas formé à l’enseignement. (…) Beaucoup d’enseignantes et d’enseignants des collèges ont tendance à enseigner de la façon dont on leur a enseigné ou de la façon avec laquelle ils sont le plus à l’aise.

(Tobin et Behling, 2018, p. 35, notre traduction)

Presque par définition, les universitaires accomplis sont d’anciens étudiants qui ont brillamment réussi sous des méthodes d’enseignement traditionnelles. (…) Les membres du corps professoral ont donc tendance à utiliser des méthodes d’enseignement qui ont bien fonctionné pour eux, même si elles peuvent ne pas fonctionner aussi bien pour une variété d’étudiantes et d’étudiants. 

(Yager, 2015, p. 309, citée dans Tobin et Behling, 2018, p. 131, notre traduction)

Regardons maintenant quelques observations, données et pistes de réflexion sur la diversité et l’inclusion en contexte universitaire.

Première observation 
La diversité est la norme, et non l’exception.

Le groupe-classe n’est pas monolithique. L’apprenant moyen est un mythe. Comme le précise Todd Rose,1 les domaines des neurosciences et de la pédagogie confirment que les connexions qui se font dans le cerveau diffèrent d’une personne à l’autre, ce qui se répercute sur l’apprentissage. Si l’on ajoute l’influence des différents milieux, il devient particulièrement important de considérer cette normalisation de la diversité dans la façon dont nous enseignons et soutenons l’apprentissage2.

Dans les années 1990, la recherche en neurosciences a révélé que « (…) la variabilité est la norme : il n’existe pas deux étudiants qui apprennent de la même manière, peu importe leurs compétences. »

(Tobin et Behling, 2018, p. 24, notre traduction)

Comme nous le verrons dans l’onglet 3 – Cadres conceptuels et l’onglet 4 – Stratégies et outils, faire participer activement le groupe-classe, varier les types d’activités, les exemples et les ressources, et offrir un choix de méthodes d’évaluation peuvent, entre autres approches, optimiser l’expérience d’apprentissage (expérience qui vise, rappelons-le, à réduire les obstacles à l’apprentissage et à appuyer le succès scolaire de toutes et tous).

Deuxième observation 
Enseigner en pensant à l’inclusion demande un certain travail3.

Il faut, en effet, explorer nos propres biais inconscients; ouvrir notre esprit aux nouvelles façons de voir le monde autour de nous; nous renseigner sur les différents groupes qui composent nos classes; revoir et adapter nos cours; donner une voix aux personnes marginalisées dans la salle de classe (nous verrons ce que cela signifie plus tard); récolter de la rétroaction; réfléchir et s’ajuster; et ce, encore et toujours.

La bonne nouvelle, c’est que nous sommes là pour vous aider! D’une part, nous vous proposons sur ce site de nombreuses pistes et stratégies, et d’autre part, il existe de nombreuses ressources sur le Web pour vous guider. Rappelez-vous qu’enseigner de manière inclusive réduit les obstacles à l’apprentissage, a un fort impact sur le succès étudiant, et accroît le taux de rétention scolaire.

Astuce : partez de là où vous êtes actuellement pour vous rendre progressivement là où vous aimeriez ou devriez être. C’est un cheminement, un processus à long terme.

Troisième observation 
Les membres de plusieurs groupes marginalisés sont sous-représentés en milieu universitaire.

Bien que l’on constate de nettes améliorations ces 30 dernières années en matière de parité à l’embauche et de parité salariale entre les hommes et les femmes (voir figure 1), le ratio hommes-femmes du corps professoral régulier des universités canadiennes demeure majoritairement masculin (60 %). Or, les femmes sont plus nombreuses que les hommes au sein de la population étudiante, tant au premier cycle qu’aux cycles supérieurs.

L’Université d’Ottawa ne fait pas exception à cette règle, puisque l’on comptait en 2019 40,8 % de professeures régulières contre 59,2 % de professeurs réguliers4. Ces chiffres se trouvaient inversés dans la population étudiante, qui comptait 41 % d’étudiants contre 59 % d’étudiantes, tous cycles confondus, pour la même période5.

Représentation de 1) l'augmentation du nombre de femmes dans le corps professoral, qui est passé de 13 % en 1970 à 20 % en 1990, puis à 41 % en 2018 ;

2) l'écart dans le salaire médian, qui est passé de 25 % en 1990 à 12 % en 2016.

 

Figure 1 — Source : Universités Canada, 2021.

Ce phénomène touche également la haute direction des universités où, comme le révèle un récent sondage réalisé en 2019 par Universités Canada auprès de 88 universités canadiennes, il existe une réelle sous-représentation des personnes racisées. En effet, alors qu’elles représentent 22 % de la population générale au Canada, 40 % de la population étudiante et 21 % du corps professoral des universités canadiennes, les personnes racisées ne sont que 8 % à occuper des postes de haute direction (voir figure 2).

Femmes
(%)
Personnes racisées
(%)
Autochtones
(%)
Personnes
handicapées
(%)
Personnes
LGBT2S+
(%)
Déclarent appartenir
à deux groupes
minoritaires ou plus
(%)
Hauts dirigeants
universitaires1
48,9 8,3 2,9 4,5 8,0 10,7
Professeurs à temps plein2 40,2 20,9 1,3 21,83 S.O. S.O.
Titulaires de doctorat4 37,5 30,5 0,9 S.O. S.O. S.O.
Étudiants aux cycles supérieurs5 54,8 40,18 3,3 5,0 S.O. S.O.
Étudiants au premier cycle6 57,1 40,08 3,0 22,0 S.O. S.O.
Population générale7 50,9 22,3 4,9 22,33 3,09 S.O.
  1. Sondage d’Universités Canada sur l’EDI
  2. Statistique Canada, Système d’information sur le personnel enseignant des universités et collèges, 2016-2017; Recensement de 2016
  3. Enquête canadienne sur l’incapacité, 2017 (comprend tous les professeurs, non seulement les professeurs à temps plein)
  4. Statistique Canada, données du recensement de 2016 sur le plus haut niveau de scolarité atteint – titulaires de doctorat
  5. Statistique Canada, Système d’information sur les étudiants postsecondaires, 2016-2017; Enquête canadienne auprès des étudiants à la maîtrise et au doctorat, 2016
  6. Statistique Canada, Système d’information sur les étudiants postsecondaires, 2016-2017; Enquête de 2018 auprès des étudiants de dernière année – Rapport général, Consortium canadien de recherche sur les étudiants universitaires
  7. Statistique Canada, Recensement de 2016
  8. Le pourcentage inclut les étudiants étrangers.
  9. Les données publiées par Statistique Canada dans l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2014 montrent que trois pour cent des Canadiens et Canadiennes se déclarent homosexuels (gay ou lesbienne) ou bisexuels.

 

Figure 2 — Source : tableau adapté d'Universités Canada (2019).

À l’Université d’Ottawa, où l’on commence à peine à récolter des données sur les personnes racisées, on sait que le pourcentage de personnes racisées sur le campus devrait se trouver entre 25 % et 30 % pour refléter celui de la ville ou de la province6. Ce chiffre est estimé en fonction du recensement de 20167, où les minorités visibles représentaient 26,3 % de la population ottavienne, et de la prévision selon laquelle 36 % de la population ontarienne sera issue de l’immigration d’ici 20368.

 

Le saviez-vous?

Toutes les personnes qui font partie d’un ou de plusieurs groupes marginalisés ne sont pas nécessairement visibles. Au-delà des personnes de couleur ou qui se déplacent en fauteuil roulant, de nombreuses personnes marginalisées dans nos cours passent inaperçues. On peut penser, par exemple, aux personnes ayant un trouble d’apprentissage, aux personnes dont le français n’est pas la langue maternelle, aux personnes dont les croyances ne correspondent pas à celles de la majorité, aux personnes qui ne correspondent pas aux stéréotypes associés à la classe sociale, ou encore aux personnes LGBTQ2S+.

Les personnes en situation de handicap, pour leur part, occupent à peine 5 % des postes de haute direction dans les universités canadiennes, alors qu’elles représentent 22 % de la population canadienne et du corps professoral, et environ 28 % de la population étudiante. On observe aussi que, si la représentation des personnes vivant avec un handicap dans les études de premier cycle universitaire est similaire à celle de la population générale, soit 22 %, elle chute à 5 % aux cycles supérieurs (voir figure 2).

De leur côté, les Autochtones (près de 5 % de la population canadienne) comptent pour moins de 1 % parmi les titulaires d’un doctorat, ce qui entraîne une sous-représentation importante au sein du corps professoral universitaire, où ils occupent moins de 1,5 % des postes réguliers9. À l’Université d’Ottawa10, comme dans l’ensemble des universités canadiennes (voir figure 2), les données de 2019 indiquent que seuls 3 % des personnes inscrites au premier cycle sont de descendance autochtone. Cette situation ne s’améliorera pas tant que cette population, dont 27 % sont des jeunes âgés de 14 ans ou moins, continuera à avoir moins de chances de faire des études postsecondaires que la population non-autochtone11.

Certes, les données sur la présence des divers groupes marginalisés sur les campus reflètent le travail qu’il reste à faire, notamment sur le plan de la collecte d’information, pour rendre les universités plus inclusives et plus représentatives de la population canadienne. 

Pourquoi vouloir rendre mon enseignement plus inclusif?

 

Quatrième observation 
Il existe beaucoup de biais, de microagressions, et de situations désavantageuses et invisibilisantes qui ont des effets dans le milieu d’apprentissage.

Une grande partie d’entre nous ne semble voir que la forêt, et non les arbres qui la composent, ou alors uniquement certains arbres… lorsque nous pensons aux étudiantes et étudiants qui composent notre salle de classe.

 

Si l’on souhaite rendre notre enseignement plus inclusif, il faut d’abord reconnaître que notre façon d’enseigner est marquée par des règles implicites, un processus systémique, et certaines idéologies, qui bien souvent sont déterminés par le pouvoir, l’influence et les privilèges dont a historiquement joui le groupe majoritaire blanc d’ascendance européenne dans la société canadienne et dans les universités. Partant de ce fait, il nous faut ensuite reconnaître que la manière dont nous enseignons peut désavantager certains étudiantes et étudiants. 

En tant qu’institution éducative, l’université a normalisé l’expérience de l’étudiant blanc, jeune, homme cisgenre, hétérosexuel, issu de la classe moyenne à supérieure, sans handicaps et sans enfants. Si un étudiant dévie de ces catégories, il est plus susceptible de faire face à des obstructions abusives dans son cheminement vers l’obtention de son diplôme. (…) En reconnaissant que l’éducation privilégie certains groupes plus que d’autres, les processus de désapprentissage doivent mobiliser les idées, les discours et les théories qui luttent contre la norme.

(Tuhiwai Smith et coll., 2019, p. 167, notre traduction)

Le saviez-vous?

Plusieurs études décrivent l’individu comme étant composé de plusieurs attributs ou caractéristiques qui composent son identité. Quelqu’un peut être privilégié en tant que personne blanche, mais l’être beaucoup moins en vivant avec un handicap ou en étant une femme (dans les STIM, par exemple). C’est ce qu’on appelle l’intersectionnalité. La matrice des intersections entre identités (figure 3) qui suit donne un aperçu des diverses identités (race, ethnicité, sexe, genre, orientation sexuelle, religion, âge, compétence) qui peuvent se croiser et des plans sur lesquels l’oppression peut avoir lieu (plan personnel, communautaire ou systémique)12.

Cette matrice des intersections entre identités donne un aperçu des diverses identités (race, ethnicité, sexe, genre, orientation sexuelle, religion, âge, compétence) qui peuvent se croiser et des plans sur lesquels l’oppression peut avoir lieu (plan personnel, communautaire ou systémique).
Figure 3 — source : Adams et Zúñiga, 2016, p. 112
Cinquième observation 
Les membres de la population étudiante issus de groupes marginalisés ont souvent l’impression de ne pas être à la hauteur, d’être mis de côté ou d’être traités injustement, et de subir des microagressions au quotidien.

Enseigner de manière inclusive signifie reconnaître pleinement cette réalité du point de vue individuel et collectif, reconnaître et accepter les contextes différents, et faire en sorte que la salle de classe permette à tout et à chacun de s’exprimer en sécurité. Cette réalité, qui peut rendre la vie dure aux membres issus de groupes marginalisés sur le campus, comme dans la société en général, explique aussi les faibles taux de rétention des étudiantes et étudiants marginalisés13.

Mais, je ne suis pas raciste! Je ne suis pas homophobe! Je suis pour l’égalité des genres! Nous sommes tous humains au bout du compte…

 

Fait intéressant : il semble que ce soit surtout les personnes issues des groupes majoritaires qui expriment cette notion du « nous sommes tous humains », en grande partie parce qu’elles ne sont pas confrontées à la discrimination ou aux microagressions au quotidien. En matière de race, l’indifférence à la couleur de la peau — c’est-à-dire le fait de ne pas voir les individus comme des personnes de couleur, mais comme des êtres humains — peut sembler positive de prime abord, mais elle ne fait que renforcer le statu quo14.

Tout cela démontre qu’il nous reste encore beaucoup de travail à effectuer pour rendre nos salles de classe inclusives.

 

Vous voulez lire davantage sur l’expérience étudiante des groupes marginalisés? 


Consultez : Témoignages d’étudiantes - citations - version imprimable

Sixième observation
Les enseignantes et enseignants sont des moteurs de changement en matière d’inclusion et d’intégration.15

Le corps enseignant étant en contact direct avec la population étudiante; il a un rôle important à jouer dans l’accueil de chaque membre. Il se doit de créer un climat positif, respectueux, sécuritaire et propice à la participation de toutes et de tous aux activités d’apprentissage et à la vie de la communauté. À l’onglet 4, nous vous présenterons des stratégies pour créer de tels environnements d’apprentissage.

Voici quelques questions à vous poser concernant les environnements d’apprentissage :

  • Comment faire sentir à tous les membres de la population étudiante qu’ils sont les bienvenus et qu’ils font partie de la communauté d’apprentissage? Comment leur montrer que nous les soutenons dans leur quête d’apprentissage et d’obtention d’un diplôme?
  • « Comment utiliser son leadership pour établir une connexion avec la classe et mettre tout le monde à l’aise? Qui peut se sentir à l’aise ou mal à l’aise en ma présence? À quel moment l’inconfort nécessaire à une pédagogie réussie devient-il autre chose? » (Carson-Byrd et al., 2019, notre traduction)

Témoignage

Nous avons, comme enseignantes et enseignants, un certain pouvoir dans notre salle de classe. Nous devrions utiliser ce pouvoir pour appliquer des règles de comportement, pour informer clairement les étudiantes et étudiants des manières dont ils peuvent s’adresser les uns aux autres. Ils doivent agir décemment, poliment, avec un certain degré de sensibilité, même si, au départ, ça semble forcé ou faux. La chose la plus importante est d’établir une atmosphère de respect où tout le monde se sent en sécurité. Voyez-y du politiquement correct si vous le voulez. Moi, j’y vois plutôt de la décence humaine de base.

(Fox, 2018, p. 28, notre traduction)

Comme membres du corps enseignant, nous détenons un fort ascendant sur nos étudiantes et étudiants, et nous avons de nombreuses responsabilités en ce qui concerne leur expérience d’apprentissage et leur réussite scolaire. La recherche souligne l’importance de la pratique réflexive pour y parvenir du mieux possible…

Comment pouvons-nous nous assurer que l’ensemble des étudiantes et étudiants (…) vit des expériences authentiques et enrichissantes qui lui permettront d’approfondir ses connaissances, de prendre des décisions concernant son apprentissage, de dialoguer (avec la matière) et de partager ses forces (avec les autres)?

(Fritzgerald, 2020, p. 29, notre traduction)

Le saviez-vous?

Au sujet des émotions et de l’apprentissage :

Une simple affirmation de l’estime de soi de la part des apprenantes et apprenants, de leurs valeurs individuelles et de l’importance de leur adhésion à une tradition culturelle a régulièrement démontré avoir des effets positifs sur l’apprentissage et sur la performance.

(Meyer et coll., 2014, p. 57, cités dans Fritzgerald, 2020, p. 95)

De la même manière, Eyler (2018) parle du concept de « menace du stéréotype » : quand vous étudiez, si vous pensez que vous n’êtes pas à la hauteur ou que vous allez échouer à l’examen, vous aurez tendance à ne pas réussir. Cette forme de prophétie autoréalisatrice est liée aux groupes marginalisés et aux stéréotypes entretenus par le corps enseignant.

Penser à notre mode d’enseignement et aux raisons qui le soutiennent

Septième observation 
Il est nécessaire de réfléchir à nos façons d’être et de faire en contexte pédagogique.

Notre façon d’interagir est déterminée par notre propre expérience, notamment par nos habitudes de socialisation et notre éducation. Nous entrons dans la salle de classe avec notre propre vision du monde (notion d’ethnocentrisme). Pour enseigner de façon inclusive, il est donc nécessaire de prendre en compte non seulement le contexte d’une variété d’autres personnes16, mais également notre propre contexte (nos valeurs, nos croyances, nos perceptions, nos biais, nos préjugés, etc.), et ce, à la fois sur le plan personnel et professionnel; en fonction de notre domaine ou discipline; et en pensant à notre place sur l’échiquier universitaire. Nous devons réfléchir à notre rôle, au pouvoir que nous détenons et aux privilèges dont nous bénéficions, et nous devons nous rappeler que tout le monde n’a pas la même expérience et ne provient pas du même milieu que nous.17

Tout le monde a des biais, conscients et inconscients. Comme nos étudiantes et étudiants, nous avons internalisé des présupposés et des stéréotypes sur notre groupe social et sur les autres, à l’aide de la socialisation et du conditionnement social. Il nous faut reconnaître qu’aucune et aucun d’entre nous ne se situe en dehors ou au-dessus des systèmes que nous étudions. Par conséquent, nos points de vue sont inévitablement partiaux et déterminés par nos milieux sociaux.

(Adams et Bell, 2016, p. 403, notre traduction)
Huitième observation 
Plusieurs études proposent des questions pour guider nos efforts d’inclusion.

Ces questions sont si nombreuses que nous n’avons pu en sélectionner qu’un petit nombre. Prenez quelques minutes ou quelques heures pour les lire, y réfléchir, en discuter et y répondre le plus honnêtement possible. Puis, pensez à la façon dont vos découvertes influenceront votre façon de préparer vos cours et de les donner, y compris comment vous interagirez avec l’ensemble des membres de la population étudiante, et comment ils interagiront entre eux en votre présence et en votre absence.

Avertissement

Il est possible qu’en répondant à certaines de ces questions, vous vous sentiez mal à l’aise. Toute croissance (personnelle ou professionnelle) doit générer un déséquilibre pour qu’un changement s’opère, ce qui exige des efforts conscients, une remise en question régulière, ainsi qu’une gestion d’émotions et d’idées qui nous sont étrangères. Les effets peuvent se vivre de façon semblable à la gestion du changement ou à la pratique réflexive. Que se passe-t-il et pourquoi? Qu’est-ce qui s’est bien passé ou moins bien passé et pourquoi? Que puis-je faire la prochaine fois pour que ça aille mieux?

Explorez les questions à votre rythme! Faites preuve de courage et d’authenticité, mais aussi d’indulgence à votre égard et veillez à prendre soin de vous. Parlez aux personnes autour de vous : d’autres réfléchissent également aux façons de favoriser l’inclusion et d’enseigner de manière plus inclusive.

Enfin, il est possible que vous éprouviez une certaine résistance, mais sachez que ce n’est pas inhabituel.

Quand nous sommes confrontés à des preuves d’inégalité qui remettent en question nos identités, notre réponse est souvent de la résistance; nous voulons faire dévier cette information déstabilisante et protéger une vision du monde plus familière et réconfortante. 

(Sensoy et DiAngelo, 2017, p. 1, notre traduction)

La résistance peut prendre plusieurs formes : le silence, le retrait, la culpabilité paralysante, le sentiment de profond espoir ou désespoir, le rejet, la colère, le sarcasme et la confrontation. Ces réactions ne sont pas surprenantes, puisque le discours général renforce l’idée que la société est, dans son ensemble, juste et que la seule chose que nous avons à faire pour combattre les injustices est d’être bon et de traiter tout le monde de façon égale. 

(Sensoy et DiAngelo, 2017, p. 2, notre traduction)
 

Si ces émotions font surface pendant votre lecture, n’hésitez pas à faire une pause et à y revenir plus tard.

 

  • De quelle manière mon éducation et mon contexte de socialisation (famille, groupe d’amis, éducation scolaire ou religieuse, etc.) influencent-ils ma façon de percevoir les personnes qui diffèrent de la norme, de la majorité ou de mes croyances, et d’agir envers elles? Quelles en sont les répercussions sur ma façon de concevoir mes cours, de les donner, d’interagir avec les membres de la population étudiante ou de les traiter quand ils sont dans ma classe?18
  • Comment est-ce que je perçois les personnes qui sont différentes de moi ou de la norme et comment est-ce que j’agis envers elles? D’où cela vient-il?
  • Quelles en sont les répercussions sur la façon dont je conçois mes cours, dont je les donne et dont j’interagis avec les membres de la population étudiante, les auxiliaires d’enseignement, les collègues et le personnel?
  • Qu’est-ce que j’aimerais modifier ou intégrer dans ma conception de cours, dans mon enseignement et dans ma façon d’interagir avec la population étudiante?

Pour vous aider à répondre à la question touchant à votre contexte de socialisation, qui détermine vos pensées et vos comportements, nous vous invitons à lire le témoignage suivant :

Témoignage

Que je sache, je suis blanc. Cependant, on ne m’a jamais explicitement dit que j’étais blanc, donc comment le sais-je? C’est un mystère. Je peux penser aux manières subtiles dont les blancs de mon quartier (de ma famille, de mon groupe d’amis, de mon environnement scolaire et professionnel) se sont définis, eux-mêmes et entre eux, comme étant blancs. Il y avait les manières de se moquer de certaines personnes ou d’insinuer qu’elles (étaient différentes). Le ton de la voix indiquait de manière évidente qu’il s’agissait d’un comportement honteux, à éviter. […] « Elles » étaient mystérieuses, différentes et, dans un sens, dangereuses. Je crois donc avoir appris ce qu’était ma race (la majorité; le genre; l’orientation sexuelle, etc.) en comprenant ce que je n’étais pas.

(Fox, 2018, p. 121, notre traduction).

Note : si vous ne vous considérez pas comme étant blanc, si vous n’êtes pas un homme, hétérosexuel, non handicapé, chrétien ou issu de ce qui peut être compris comme étant le groupe majoritaire, n’hésitez pas à adapter ce témoignage à votre contexte. Que révèle-t-il? En quoi cela influence-t-il la manière dont vous enseignez?

Pour aller plus loin, nous vous invitons à utiliser la série de questions suivantes, créée par Twyman-Ghoshal et Carkin Lacorazza (2021), pour guider votre réflexion et votre analyse en vue d’intégrer l’inclusion à votre enseignement et de créer un environnement d’apprentissage propice à tout le monde. Vous pouvez aussi vous rendre à l’onglet 4 – Stratégies et outils pour trouver des ressources qui vous aideront à répondre à quelques-unes de ces questions ou à atteindre vos objectifs.

  • « Comment votre position géographique et sociale influence-t-elle votre identité, vos connaissances et votre bagage d’expérience? Quel savoir vous manque-t-il?
  • Quels sont les privilèges et le pouvoir que vous détenez? Comment les exercez-vous?
  • Comment votre pouvoir et vos privilèges transparaissent-ils dans votre enseignement?
  • De quelle manière vos biais et privilèges envahissent-ils l’espace et poussent-ils les autres au silence? » (Twyman-Ghoshal et Carkin Lacorazza, 2021, notre traduction)
  • « Pour qui concevez-vous le cours ou le programme d’études? Quels présupposés avez-vous du contexte et de la culture de vos étudiantes et étudiants?
  • De quelles manières votre cours tient-il compte des problèmes de domination occidentale en termes de pédagogie, de contenu et de philosophie?
  • Comment vous assurez-vous que votre cours ou programme d’études valorise la diversité des approches et ne privilégie pas les formes dominantes du savoir?
  • Comment reconnaissez-vous et gérez-vous les omissions du domaine dans votre matériel de cours et vos leçons? À quoi donnez-vous la priorité ou, inversement, une moindre importance?
  • Comment encouragez-vous un scepticisme sain qui permet à votre classe de questionner ce qu’elle apprend? » (Twyman-Ghoshal et Carkin Lacorazza, 2021, notre traduction)
  • « Comment intégrez-vous le récit dans votre cours? Quels récits sont racontés? Quel message communiquez-vous quand vous excluez certaines voix? » (Twyman-Ghoshal et Carkin Lacorazza, 2021, notre traduction)
  • Comment encouragez-vous les étudiantes et étudiants issus des groupes marginalisés et leur accordez-vous de la valeur en ce qui a trait à leur accueil dans le groupe, leur participation aux activités de classe, leur capacité à poser des questions, leurs occasions de travailler en groupe et de faire les travaux évalués, par exemple?
  • « Quel contenu de votre cours se prête à la participation active?
  • Comment les évaluations favorisent-elles le questionnement et le sens critique au sujet du contenu existant et établi?
  • De quelles manières l’activité exige-t-elle une remise en question des biais et des connaissances acquises pour trouver la solution?
  • Comment les activités de classe encouragent-elles l’autocritique et le désir de s’améliorer sur le plan personnel, intellectuel et civil? » (Twyman-Ghoshal et Carkin Lacorazza, 2021, notre traduction)
  • « Comment votre classe s’informe-t-elle sur le monde qui l’entoure? Quels projets peuvent être bénéfiques à la fois pour le partenaire communautaire, les personnes qu’il sert et les membres de votre classe?
  • Comment garantissez-vous que la relation est bien réciproque et que vous n’ajoutez pas à la charge de travail du partenaire communautaire?  » (Twyman-Ghoshal et Carkin Lacorazza, 2021, notre traduction)
  • « Sur quoi nous fondons-nous pour dire qu’une vision du monde est correcte? L’étude approfondie d’un ensemble exhaustif de données, de diverses histoires et perceptions, d’une expérience personnelle, d’un article religieux, d’une impression de véracité, de notre incapacité à imaginer que ça puisse être faux?
  • Que se passe-t-il si nous tenons pour acquis que la personne avec qui nous sommes en désaccord est tout aussi intelligente, réfléchie et bien intentionnée que nous (…)? Comment cela affecte-t-il notre compréhension du désaccord et de notre position sur la question?
  • Qu’est-ce que ça entraîne de considérer sérieusement la possibilité qu’une vision en contradiction avec la nôtre puisse être vraie? Qu’est-ce qu’une telle considération exige de nous?
  • Est-il possible que deux visions opposées contiennent toutes deux des éléments de vérité (…)? Si tel est le cas, comment notre vision du monde doit-elle changer pour s’adapter à cette possibilité?
  • Que se passe-t-il si ce que nous croyons se révèle faux? Quels autres éléments de notre vision du monde devront changer en conséquence? En d’autres termes, quels sont les enjeux pour nous, quelle est notre volonté d’avoir raison, qu’avons-nous à perdre si nous avons tort?
  • Et quelles sont les autres conséquences sociales de l’adoption de l’une ou de l’autre vision du monde? Par exemple, apportera-t-elle des réponses différentes aux questions posées précédemment pour la culture au sens général? Quels effets cela produira-t-il, et sur qui? » (Johnson, 2018, p. 140, notre traduction)

Félicitez-vous d’avoir réussi à considérer toutes ces questions, d’y avoir réfléchi et d’y avoir répondu. Et maintenant…

Le saviez-vous?

L’excellence en pédagogie est en adéquation avec l’inclusivité : la compétence en termes de savoir et d’expérience, l’attention à la réussite étudiante, la passion pour le domaine et la communication efficace sont clés. De même, la bonne enseignante ou le bon enseignant « se prépare bien, est exemplaire, clarifie ses attentes, est accessible, apprend à connaître les membres de sa classe, les respecte et protège leur vie privée, n’a pas de préjugés quant à leurs habiletés, est ouvert aux nouvelles idées, est enthousiaste, favorise l’échange d’opinions avec et entre les étudiantes et étudiants, et s’adapte aux besoins spécifiques de chacune et chacun d’entre eux. »

(Burgstahler, 2015, p. 49, notre traduction)

 

Maintenant que vous avez réfléchi à toutes ces questions, vous vous trouvez à la croisée des chemins. À ce stade, plusieurs choix s’offrent à vous :

 

Si vous souhaitez explorer la question des biais inconscients plus en détail, voici quelques ressources qui vous guideront :

Benton Kearny, D. (2022). Universal Design for Learning (UDL) for Inclusivity, Diversity, Equity, and Accessibility (IDEA): A Guide for Post-Secondary Educators. e-campus Ontario

Note: voir le sous-module 4.3 portant sur les biais; le lancement d’une version française est prévue à l’hiver 2023.

Reshamwala, S. (2016). « Who, me? Biased? » New York Times. (série de vidéos en anglais).

Note: Très simple et bien expliquée, la série offre de bonnes explications et de bonnes stratégies pour combattre ses biais.

Khan Academy. Perception, Prejudice and Bias Questions. (en anglais)

Note: Questions et collection de vidéos intéressantes concernant nos biais, nos préjugés et nos façons de stéréotyper les individus.

(en anglais) – Tests de l’Université Harvard liés aux associations implicites. 

 

Voici trois questions, et leurs réponses, pour comprendre la définition, les rôles et les actions de la personne alliée.

En général, être une personne alliée signifie : valider et soutenir les personnes issues des groupes minorisés socialement et institutionnellement avec qui vous êtes en relation, indépendamment du fait que vous soyez entièrement d’accord avec elles ou que vous compreniez leur histoire; s’investir dans une autoréflexion continuelle pour faire ressortir votre privilège socialisé et votre supériorité internalisée; (…) se faire porte-parole du groupe opprimé absent pour s’opposer aux idées fausses; abandonner le contrôle et partager le pouvoir dès que cela est possible; prendre le risque de bâtir une relation avec les membres des groupes minorisés; (…) avoir l’humilité et la volonté d’admettre qu’on ne sait pas; gagner la confiance par ses actions.

(Sensoy et DiAngelo, 2017, p. 211, notre traduction)
Elle :
  • a un environnement d’apprentissage positif et sécuritaire;
  • amorce des conversations qui favorisent l’inclusion;
  • agit pour être inclusive dans son enseignement et minimiser les comportements exclusifs dans le groupe, pour offrir une expérience d’apprentissage optimale à tout le monde;
  • appuie les groupes désavantagés dans leur quête d’équité pour que leurs membres puissent acquérir un sentiment d’appartenance, participer pleinement aux activités pédagogiques, développer leur potentiel et réussir dans leurs études;
  • utilise ses privilèges pour faire changer les attitudes, les comportements, les pratiques d’enseignement et les politiques départementales ou institutionnelles.

Témoignage

Pour devenir une personne alliée, vous devrez complètement changer votre mentalité. Vous devrez ouvrir les yeux sur tout ce qui vous entoure. Vous devrez vouloir faire des changements, aussi petits soient-ils, chaque jour et sortir de votre zone de confort. (…) Être une personne alliée signifie ÊTRE là, être réel, être capable de faire face à la personne, de parler, d’écouter et d’ABSORBER le tout sur un pied d’égalité. Cela devrait être un processus mutuel – qui ne soit ni paternaliste, ni lèche-cul, ni compétitif, ni exploitant… Il faut être naturel. Il faut être volontaire. Il faut AVOIR CONFIANCE. 

(Témoignage d’un étudiant, cité dans Fox, 2018, p. 89, notre traduction)
Elle :
  • sort de sa zone de confort;
  • réfléchit à ses propres attitudes, comportements et pratiques, et prend conscience de l’influence de sa propre position dans la société sur sa perception du monde et ses actions;
  • réfléchit aux raisons qui la poussent à s’impliquer (elles peuvent ne pas être toutes bonnes!);
  • développe son empathie pour celles et ceux qui sont différents d’elle;
  • s’informe des pratiques inclusives, ainsi que de l’histoire et des défis que rencontrent différents groupes non majoritaires (p. ex. en prenant l’initiative de consulter des ressources);
  • écoute, fait preuve d’humilité, reconnaît la situation et passe à l’action;
  • dose sa participation et ses interventions;
  • tente de reconnaître les situations de microagression, d’iniquité et d’exclusion au quotidien, et contribue à les éliminer (p. ex. en équilibrant le droit de parole dans la salle de classe);
  • s’assure d’une représentativité dans la présentation des contenus, dans les discussions et dans la prise de décision en classe : « Ai-je considéré toutes les perspectives? Lesquelles sont absentes? Comment les intégrer? »

En résumé

Les choses à faire

Écouter les experts.

Demander ce que vous pouvez faire.

Établir des relations fondées sur le consentement mutuel et la confiance.

Rechercher pour en savoir plus sur l’histoire.

Continuer à soutenir et à agir de manière significative et collective.

 

Figure 4 — Source : Swiftwolfe (2019)

Conclusion

Dans cet onglet, vous avez pu vous familiariser avec l’enseignement inclusif et ses avantages, ainsi qu’avec de nombreuses données, questions de réflexion, ressources et stratégies qui vous aideront à devenir une personne alliée dans votre classe.

À l’onglet 3 – Cadres conceptuels, vous découvrirez des fondements clés de l’inclusion pédagogique.

Onglet suivant
  • 1Voir : Steady, 2012.
  • 2Voir notamment les auteurs cités dans la section « La conception universelle de l’apprentissage (CUA) » à l’onglet 3.
  • 3Voir : Adams et Bell, 2016; Fox, 2018; Fritzgerald, 2020; Swiftwolfe, 2019; Twyman-Ghoshal et Carkin Lacorazza, 2021.
  • 4Voir : Université d’Ottawa, 2021a.
  • 5Voir : Université d’Ottawa, 2021b.
  • 6Voir : Ontario’s Universities, 2021, p. 1
  • 7Voir : Statistique Canada, 2017.
  • 8Voir : Ontario’s Universities, 2021.
  • 9Voir : Universités Canada, 2018.
  • 10Voir: Service d’appui à l’enseignement et à l’apprentissage, 2019.
  • 11Voir : Ontario’s Universities, 2021.
  • 12Voir Figure 3, tirée de Adams et Zúñiga, 2016, p. 112.
  • 13Voir : Adams et Bell, 2016.
  • 14Voir : Adams et Bell, 2016; Sensoy et DiAngelo, 2017.
  • 15Voir : Burgstahler, 2015; Adams et Bell, 2016; Styres, 2017; Eyler, 2018; Tobin et Behling, 2018; Tomlins-Jahnke et coll., 2019; Fritzgerald, 2020.
  • 16Par exemple, les femmes, les personnes musulmanes, noires, handicapées ou trans, de même que les jeunes en général.
  • 17Voir : Sensoy et DiAngelo, 2017; Tuhiwai Smith et coll., 2019.
  • 18Cette série de questions s’inspire du travail de Fox (2018, p. 122-125).
  • 19Voir : Adams et Bell, 2016; Sensoy et DiAngelo, 2017; Styres, 2017; Fox, 2018; Swiftwolfe, 2019.